dimanche 31 décembre 2006

Le piano bar où le spleen fait débander

Une femme plus âgée vint un jour me parler. Assise à côté de moi, les jambes pendantes, les coudes atterrés, la peau flasque et blanche traversée par des canaux bleutés, elle semblait m’apprécier. Sur le piano du Whisky Café, elle prit l’initiative de quelques notes. Jazzée comme Montreux, ses doigts me rappelèrent le phare à Nantucket. Douce, charmante, diablement sexy. Mais l’hiver reprit vite ses esprits. Je me réfugiai dans mon Appricot Brandy, laissant la musique aux autres, et les charmes d’une femme intouchable à mes désirs adolescents. 

L'éclairage bleuté d'une salle où on projette un film sans que personne ne le regarde sauf moi

Puérile solitude, toi qui me dégustes, explique moi tes desseins. Mon sang se fait noir au lieu de tes attouchements, pourquoi ne te contentes-tu pas de mes yeux asséchés. Leur vert s’écoulant vers un gris aride, grenier des morsures et châtiments t’en conjure. Mais tu ne m’écoutes pas. Serais-tu sourde? Aveugle? Ton plaisir ne naissant que dans le goût de mon bonheur digéré. Alors que les eaux crèvent, me laisseras-tu regarder notre descendance? Tu me dévores encore, comme tu dévoreras mes petits. Dans mes cubiques bizarreries grisâtre tu occupes tant d’espace, refoulant ne serait-ce qu’un instant de couleur. Orangée tu t’étais présentée, lavande et achillée, et puis maintenant tu me laisse aux gris et noirs tant expliqués. Respire avec moi le gaz s’échapper du périnée déchiré, reste avec moi. Notre descendance fraîche née me dévore déjà et je sens la pièce grise s’effondrer. Mes rêves sont toujours colorés, mais tu ne m’aura jamais expliqué pourquoi, eux, tu me les a laissés. 

Le sexe du malin

Ses lèvres pesantes parcouraient la plénitude de mes replis intimes. Gorgées de sang, elles battaient à la mesure de nos cœurs, férocement synchronisés pour l’occasion. Chaque vague, chaque impulsion, inconsciente, se transmettait amoureusement à la mer de mes chaires. Désir montant, respirations haletantes, les plus sauvages instincts alcoolisaient les plus frigides inhibitions. Unes à unes, comme aspirées par les délicates succions, elles semblaient se soumettre au feu de sa bouillonnante beauté. Comme un poème récité par un pauvre tourmenté, sa douceur hérissait chacune de mes sensibilités. Et la rougeur de sa peau. Sous le drap paresseux, la chaleur irradiante berçait la nuit mieux que l’orange lueur sodium indiscrète, dévoilant tantôt l’écorce d’une forme humaine, tantôt ses détails les plus magiques, les plus voluptueux.


Puis au bas ventre, la montée dramatique. La bouche grande ouverte pour un cri qui jamais ne se sera fait entendre, les yeux gorgés de sang en ébullition, le battement erratique des muscles en action et la rythmique dérangée du cœur et des pensées, tous à la merci de la mécanique frénétique de l’incontrôlable et de l’irréaliste. Pistil acide de liqueurs aux amandes, préparé à l’Effluve insouciant - mais décidé - qu’il ne peut plus retenir.



Cambrement solidaire, terrassant Le soupir final vint, dernier, maladif. Sous la couette échauffée, l’ombre d’une fesse, morte par le plaisir.