mardi 24 avril 2007

Hommage à un vieux contact et au printemps frisquet

Perdu dans les songes et les illuminations malsaines, j’avais oublié à quel point les effluves printanières pourraient apaiser mes maux. Les rayons du Dieu Rê, transperçant les brumes de ma demeure acariâtre, m’atteignirent et réveillèrent en moi des désirs alors essoufflés. Je me dis, dans un coup de sang révolver : « Terminées sont les temps de disette, envolées les songes d’anachorète! ». Les draperies de la fenêtre virilement arrachées, me dévoilèrent en poussière une vision d’horreur. Horrifié, je fus Candide devant l’âge, le monde noyé de laideur, noyé sous une Propontide grisâtre qu’éclairait sans conviction le soleil du printemps.

lundi 16 avril 2007

Encore et toujours le même genre... / L'heure des décisions approche

Je me suis souvent demandé ce qu’il adviendrait de moi si, dans une tempête ou n’importe quel ouragan, l’antenne qui me rattachait au monde venait à cesser son fin jeu d’alternances entre émission et réceptions. Privé de la compagnie formelle des soldats de la Base, du savoir des encyclopédies et des divertissements fournis par le serveur, je m’imaginais facilement sombrer dans des délires schizophrènes ou je ne sais quoi. Sans communications pas de normalité; je me voyais déjà dériver, soumis sans le savoir à la main omnipotente de l’entropie…

Ces réflexions, quoi qu’angoissantes, m’amusaient. Après tout les tempêtes et les ouragans n’étaient pas monnaie courante au Nord. Aussi, jamais la moindre moisissure ne viendrait encrasser les mécanismes de rotations de l’équipement, qui plus est protégé contre les dysfonctionnements dus aux champs magnétiques. Si les aurores boréales causaient de manière anecdotique quelques très rares ralentissements, les éléments savaient s’adapter et se réorganiser en quelques instants, faisant chaque fois taire mes craintes. J’aurais du observer l’aurore.

Mes sorties se faisaient rares : les contraintes imposées par le froid – m’obligeant à revêtir l’équipement isolant – et l’Infini – duquel on a vite fait le tour – m’invitaient à me cantonner à mes chauds quartiers et laisser le champ libre aux voix paresseuses qui, dans mes draps, me cajolaient. Ma charge de travail, de plus en plus négligeable, me laissait voguer, sans trop y réfléchir, sur cet idéal hédoniste.

[… On évite maintenant le passage complètement insipide où l’antenne explose ou je ne sais plus quoi exactement …]

Quoi que silencieux depuis mon arrivée, le bunker avait revêtu, depuis l’évènement, une chape dont les échos se faisaient de plus en plus métalliques. L’appareillage gisait là dans son coin, timide et amputé de tout intérêt pragmatique. Et moi de même…

La prophétie ne se réalisa toutefois pas exactement comme je l’avais prévue. Je ne succombai pas à plus de délire paranoïaque pas plus que je ne laissai tomber ma routine – quoi que fortement amaigrie. Lentement seulement, je pris conscience de la nature immeuble de ce qui m’entourait et, pour être honnête, de l’ensemble de mes actions. Procédant par automatisme plus que par conviction je perdis contact non seulement avec la Base mais aussi avec les lieux qui m’entouraient, puis, très rapidement alors, avec mon propre corps.

S’il s’active encore dans le bunker, je l’ignore. Peut-être qu’un jour, creusant sous l’inselberg pour me retrouver, les soldats trouveront-il ce corps malade mais toujours actif, peut-être leur fera-t-il de l’esprit, les fera-t-il rigoler comme je l’aurais fait… Mais, moi, je resterai couché sur le plancher froid, à espérer, en vain, qu’un jour on m’explique ce que j’ai fait de mal. Peut-être aurais-je du me coucher dès la première aurore. 

jeudi 5 avril 2007

Minuit moins une au Parc Joyce

Couché par terre, les coudes dans les épines, je contemplais le ciel. La lueur des flemmes ne me permettait certes pas de voir la moindre étoile, mais peu importais.

Bientôt intoxiqué, je contemplai la rue Bernard, devant moi. Au beau milieu de la chaussée Mario Dumont, les têtes à claque, Patrick Huard, un iPod… je ne me souviens pas de la suite, mais ça ne plaisait pas beaucoup...

lundi 2 avril 2007

Stand Clear of the Closing Doors

Leurs yeux suintants de bonheur s’observent entre eux
respirant et jouissants haletants de plaisir et récitants
leurs borborygmes liquides et poisseux au visage des
aspirants ils pataugent dans leur merde qu’ils adorent
tant adorer et épistémologiquement chérir pendant
qu’en dessous de la table les barbares se comparent
et viennent toujours le plus loin puisqu’ils ont avec
eux le droit sur l’univers et leur merde qui l’ensemence
puis qui me fait vivre parce que ça on me le dit souvent
et ils continuent à liquéfier leurs pensées en calculs
pour les faire jouir encore et qu’ils s’empiffrent
en parlant de tous les orifices peu importe si
ça sent mauvais ils ont confiance en ce monde leur
monde qu’ils ont créés avec leurs
merdes quantifiables.

L'ombre de Lewis Carroll me hante toujours

La texture humide des pavés ralentissaient mon pas alors que je m’enfonçais dans les petites rues où les volets fermés vomissaient du silence. Dans les parcs, au détour des cours d’écoles et des terrains de foot dansaient au vent les corps des enfants. C’est dans les rues marchandes où les adultes, pendus par les pieds ou simplement le cou, mettaient à l’épreuve les gibets de fortune. Ceux qui s’étaient attachés à un clou étaient déjà tombés comme tombent les prunes mais les chaines et les solides maçonneries résisteraient encore longtemps. Je revois encore les corps disloqués de ces jeunes hommes, fièrement détendus et portés par une bien trop calme valse mise en musique par ce qui rappellerait le chant d’une balançoire.

Je tentai de forcer la porte d’une demeure populaire. On avait verrouillé. Je scénarisais la jeune femme qui, comme si elle quittait Pripiat, verrouillait plus par habitude qu’avec l’espoir de revenir, de retrouver sa vie un peu poussiéreuse mais intacte... En fait un regard par la lucarne mit fin à mes dérives cinématographiques. L’ombre d’un pendu.

La nuit tomba bientôt. Bienheureux que les animaux affamés soient déjà morts, je fermai les yeux et imaginai avec plaisir, accroupis sur le palier du café de la place, tout l’espace de ce monde libre des hommes. Je m’éveillai courbaturé mais heureux. Le soleil ne brillerait dorénavant que pour moi.

Je défonçai la vitrine de la boulangerie avec une vieille pierre. La surprenante sirène de l’alarme déchira le silence auquel je m’étais visiblement bien vite habitué. Le temps d’entrer et de repérer les croissants et chocolatines qu’elle se tût. Rassasié comme jamais, je sortis de la boutique et entrepris une grande marche au soleil.

Je marchai une bonne partie de la journée vers le sud. Je rejoins bientôt la ville voisine, coupant par l’autoroute désertée. Même si les cigales ne chantaient pas je savais que je n’aurais pas à craindre le mauvais temps. Je décidai de rompre le silence en sifflant de bon cœur. Bien vite je me mis à chanter des chants gais qui me rappelaient mon enfance et nourrissaient mon bonheur. Le vent secouait les blés et les corps pendus aux ouvrages d’arts et ponts que je traversais, enthousiaste et rêvant de demain. Je n’ai jamais regretté mon choix.