mardi 25 mars 2008

Un escalier qui mène nulle part ça n'existe pas

En marchant sur Acadie, Lauren ne voyait plus les coupoles de réceptions qui ornaient par centaines ces appartements pauvres. Quoi qu’il puisse s’être plu, à une époque, à contempler ces champignons métalliques tournés vers un Dieu invisible, s’immergeant dans l’ambiance des matchs de foot et journaux télévisés étrangers qu’elles relayaient, elles avaient maintenant disparues. Sur le trottoir gris et inégal, Lauren n’avait d’yeux que pour l’immeuble étagé où il se rendait d’un pas cadencé, son souffle court assourdit par l’incessant passage des voitures sur le grand boulevard. Contre ses cuisses, battant des cadences sans synchronie, deux sacs de plastique blancs. Sous ses pieds, des feuilles rouges et jaunes transperçaient à l’occasion la grisaille de l’automne froid. Sous ses pieds, les feuilles rouges et jaunes présageaient la mort.

Devant l’immeuble, sur les quelques marches qu’il fallait encore gravir pour atteindre le confort relatif du vestibule, étaient assis les quelques lascars du voisinage. Philosophe, Lauren se dit que leurs habits aux couleurs vives juraient comme le faisaient les feuilles mortes. Les couleurs vives de leur costume de scène, leurs habits trop grands calqués sur ceux de rappeurs à la mode dans le quartier et à Los Angeles ou New York, ne leur conféraient cependant pas le droit d’impressionner qui que ce soit. En tout cas pas dans le quartier. Et, contrairement aux feuilles mortes, encore moins de présager la mort. Lauren pris toutefois le soin de les éviter en montant par la rampe pour handicapés. Pas une question de sécurité : autant éviter de devoir leur dire bonjour.

L’ascenseur au tapis gris et au plafond de tuiles jaunâtre, déjà au rez-de-chaussée, s’ouvrit immédiatement à Lauren. Évitant soigneusement de déposer ses sacs sur le sol, Lauren se laissa porter au cinquième dans le léger fumer d’urine et de cigarettes auquel tous les résidents s’étaient habitués. Devant la porte de l’ascenseur qui s’ouvrit, le corridor qui le conduisait vers l’appartement 506 se dévoila. Peu éclairé, ses murs en plâtre moulé et granuleux, son tapis orangé et le manque d’air frais chronique qui l’affligeait, rien n’avait changé depuis tout à l’heure. Lauren s’y engagea avec habitude. Tout en marchant, alors que l’ascenseur refermait ses portes, l’homme chercha sa clé dans sa poche droite. Clé qu’il tourna dans la serrure, tenant les sacs de sa main gauche. Deux tours dans le sens des aiguilles d’une montre pour déverrouiller, l’inverse pour barrer. Lauren connaissait la procédure par cœur, le petit vice de construction ne produisant plus le moindre effet de surprise. La porte s’ouvrit sur le petit décor que Lauren s’était évertuée à construire au fil des années. S’engouffrant dans sa demeure, il alluma l’interrupteur de la grande pièce qui lui servait à la fois de salon, de chambre et de bureau, referma la porte, barra à double tours et mis le loquet. Contournant la bibliothèque qui n’avait, à son avis, pas affaire là, il rejoignit la petite cuisinette. Sur le comptoir il déposa l’un des sacs, laissant l’autre à ses pieds. Ouvrant la porte du réfrigérateur, il sortit méthodiquement de ce dernier sac les quelques ingrédients pour les déposer dans le grand appareil couleur crème. Trois-cent grammes de fromage cheddar mi-fort, un brocoli, un carton de jus d’orange, une bouteille d’eau de source de la marque la moins chère et une demi poitrine de poulet sans peau, sans gras, sans os. Alors qu’il en refermait la porte, le réfrigérateur réagit à l’apport soudain de masse à température de la pièce en démarrant bruyamment. Lauren, habitué au son grave du compresseur et de l’ensemble de la mécanique, ne le remarqua pas. Il reprit le sac qu’il avait déposé sur le sol, ouvrit l’armoire sous l’évier et l’y jeta sans précaution, luttant contre d’autre sacs occupant déjà l’espace restreint. La porte de l’armoire à peine fermée que Lauren ramassait le sac déposé sur le comptoir.

De retour au salon-chambre-bureau, Lauren lança l’ensemble du contenu du sac sur la couette essoufflée qui recouvrait le lit. De retour dans la cuisine, le sac vide connut le même sort que son prédécesseur, en boule froissée en dessous de l’évier. Lauren alla entre-ouvrir la petite porte-patio qui faisait office d’unique fenêtre, histoire de laisser l’air extérieur adoucir les parfums de narguilé fruités qui baignaient l’intérieur du petit appartement.

Sur le pas de la porte, Lauren chercha du regard une distraction, quelque chose à faire pour se détourner du travail qui l’attendait. Hélas, la bibliothèque était rangée, les couverts propres et rangés. Dans un coin de la pièce trônait une basse électrique, mais la seule idée d’en jouer semblait plus pénible que de se lancer tête première dans le travail. Traversant en diagonale la pièce, évitant son lit, Lauren rejoignit son ordinateur qu’il alluma. Le petit portable blanc, seul objet de design et de haute technologie de la pièce, peut-être même de l’étage au grand complet, se mit en marche dans toute la fanfare de sa tonalité d’ouverture.

Bestiaire

Les oiseaux affamés
Qui poinçonnent mes yeux
Ont bâtit une volière
M'y serais-je enfermé

À la dérive

Je n’ai jamais écrit une lettre au ciel. Pas mon genre. Le retro éclairage de mon ordinateur me brûle les yeux, pas la bonté divine et le crin de ses chevaux blancs. Si je fuis dans l’absurde ce n’est pas pour me dérober ou pour éviter la question, mes yeux ne se lovent jamais dans l’éternel sombre des siens. Ma peau sèche se les approprient et les font tirer au hasard. Une balle perdue.

mardi 24 avril 2007

Hommage à un vieux contact et au printemps frisquet

Perdu dans les songes et les illuminations malsaines, j’avais oublié à quel point les effluves printanières pourraient apaiser mes maux. Les rayons du Dieu Rê, transperçant les brumes de ma demeure acariâtre, m’atteignirent et réveillèrent en moi des désirs alors essoufflés. Je me dis, dans un coup de sang révolver : « Terminées sont les temps de disette, envolées les songes d’anachorète! ». Les draperies de la fenêtre virilement arrachées, me dévoilèrent en poussière une vision d’horreur. Horrifié, je fus Candide devant l’âge, le monde noyé de laideur, noyé sous une Propontide grisâtre qu’éclairait sans conviction le soleil du printemps.

lundi 16 avril 2007

Encore et toujours le même genre... / L'heure des décisions approche

Je me suis souvent demandé ce qu’il adviendrait de moi si, dans une tempête ou n’importe quel ouragan, l’antenne qui me rattachait au monde venait à cesser son fin jeu d’alternances entre émission et réceptions. Privé de la compagnie formelle des soldats de la Base, du savoir des encyclopédies et des divertissements fournis par le serveur, je m’imaginais facilement sombrer dans des délires schizophrènes ou je ne sais quoi. Sans communications pas de normalité; je me voyais déjà dériver, soumis sans le savoir à la main omnipotente de l’entropie…

Ces réflexions, quoi qu’angoissantes, m’amusaient. Après tout les tempêtes et les ouragans n’étaient pas monnaie courante au Nord. Aussi, jamais la moindre moisissure ne viendrait encrasser les mécanismes de rotations de l’équipement, qui plus est protégé contre les dysfonctionnements dus aux champs magnétiques. Si les aurores boréales causaient de manière anecdotique quelques très rares ralentissements, les éléments savaient s’adapter et se réorganiser en quelques instants, faisant chaque fois taire mes craintes. J’aurais du observer l’aurore.

Mes sorties se faisaient rares : les contraintes imposées par le froid – m’obligeant à revêtir l’équipement isolant – et l’Infini – duquel on a vite fait le tour – m’invitaient à me cantonner à mes chauds quartiers et laisser le champ libre aux voix paresseuses qui, dans mes draps, me cajolaient. Ma charge de travail, de plus en plus négligeable, me laissait voguer, sans trop y réfléchir, sur cet idéal hédoniste.

[… On évite maintenant le passage complètement insipide où l’antenne explose ou je ne sais plus quoi exactement …]

Quoi que silencieux depuis mon arrivée, le bunker avait revêtu, depuis l’évènement, une chape dont les échos se faisaient de plus en plus métalliques. L’appareillage gisait là dans son coin, timide et amputé de tout intérêt pragmatique. Et moi de même…

La prophétie ne se réalisa toutefois pas exactement comme je l’avais prévue. Je ne succombai pas à plus de délire paranoïaque pas plus que je ne laissai tomber ma routine – quoi que fortement amaigrie. Lentement seulement, je pris conscience de la nature immeuble de ce qui m’entourait et, pour être honnête, de l’ensemble de mes actions. Procédant par automatisme plus que par conviction je perdis contact non seulement avec la Base mais aussi avec les lieux qui m’entouraient, puis, très rapidement alors, avec mon propre corps.

S’il s’active encore dans le bunker, je l’ignore. Peut-être qu’un jour, creusant sous l’inselberg pour me retrouver, les soldats trouveront-il ce corps malade mais toujours actif, peut-être leur fera-t-il de l’esprit, les fera-t-il rigoler comme je l’aurais fait… Mais, moi, je resterai couché sur le plancher froid, à espérer, en vain, qu’un jour on m’explique ce que j’ai fait de mal. Peut-être aurais-je du me coucher dès la première aurore. 

jeudi 5 avril 2007

Minuit moins une au Parc Joyce

Couché par terre, les coudes dans les épines, je contemplais le ciel. La lueur des flemmes ne me permettait certes pas de voir la moindre étoile, mais peu importais.

Bientôt intoxiqué, je contemplai la rue Bernard, devant moi. Au beau milieu de la chaussée Mario Dumont, les têtes à claque, Patrick Huard, un iPod… je ne me souviens pas de la suite, mais ça ne plaisait pas beaucoup...

lundi 2 avril 2007

Stand Clear of the Closing Doors

Leurs yeux suintants de bonheur s’observent entre eux
respirant et jouissants haletants de plaisir et récitants
leurs borborygmes liquides et poisseux au visage des
aspirants ils pataugent dans leur merde qu’ils adorent
tant adorer et épistémologiquement chérir pendant
qu’en dessous de la table les barbares se comparent
et viennent toujours le plus loin puisqu’ils ont avec
eux le droit sur l’univers et leur merde qui l’ensemence
puis qui me fait vivre parce que ça on me le dit souvent
et ils continuent à liquéfier leurs pensées en calculs
pour les faire jouir encore et qu’ils s’empiffrent
en parlant de tous les orifices peu importe si
ça sent mauvais ils ont confiance en ce monde leur
monde qu’ils ont créés avec leurs
merdes quantifiables.

L'ombre de Lewis Carroll me hante toujours

La texture humide des pavés ralentissaient mon pas alors que je m’enfonçais dans les petites rues où les volets fermés vomissaient du silence. Dans les parcs, au détour des cours d’écoles et des terrains de foot dansaient au vent les corps des enfants. C’est dans les rues marchandes où les adultes, pendus par les pieds ou simplement le cou, mettaient à l’épreuve les gibets de fortune. Ceux qui s’étaient attachés à un clou étaient déjà tombés comme tombent les prunes mais les chaines et les solides maçonneries résisteraient encore longtemps. Je revois encore les corps disloqués de ces jeunes hommes, fièrement détendus et portés par une bien trop calme valse mise en musique par ce qui rappellerait le chant d’une balançoire.

Je tentai de forcer la porte d’une demeure populaire. On avait verrouillé. Je scénarisais la jeune femme qui, comme si elle quittait Pripiat, verrouillait plus par habitude qu’avec l’espoir de revenir, de retrouver sa vie un peu poussiéreuse mais intacte... En fait un regard par la lucarne mit fin à mes dérives cinématographiques. L’ombre d’un pendu.

La nuit tomba bientôt. Bienheureux que les animaux affamés soient déjà morts, je fermai les yeux et imaginai avec plaisir, accroupis sur le palier du café de la place, tout l’espace de ce monde libre des hommes. Je m’éveillai courbaturé mais heureux. Le soleil ne brillerait dorénavant que pour moi.

Je défonçai la vitrine de la boulangerie avec une vieille pierre. La surprenante sirène de l’alarme déchira le silence auquel je m’étais visiblement bien vite habitué. Le temps d’entrer et de repérer les croissants et chocolatines qu’elle se tût. Rassasié comme jamais, je sortis de la boutique et entrepris une grande marche au soleil.

Je marchai une bonne partie de la journée vers le sud. Je rejoins bientôt la ville voisine, coupant par l’autoroute désertée. Même si les cigales ne chantaient pas je savais que je n’aurais pas à craindre le mauvais temps. Je décidai de rompre le silence en sifflant de bon cœur. Bien vite je me mis à chanter des chants gais qui me rappelaient mon enfance et nourrissaient mon bonheur. Le vent secouait les blés et les corps pendus aux ouvrages d’arts et ponts que je traversais, enthousiaste et rêvant de demain. Je n’ai jamais regretté mon choix.

samedi 3 mars 2007

Et puis on rêve d'être un gosse à nouveau

Venho querer bater-me (e cair com estrépitos e dor) e brincar na Cidade de Deus.

Desolado para o meu pseudobrasileiro!

vendredi 16 février 2007

À Mouffetard, il s’écroula.

La tempête s'intensifiait et le vent s’engouffrait avec violence, non seulement dans les rues mais aussi sous le timide gilet d’Alexandre. Oppressé par des forces beaucoup plus puissantes que celle auxquelles il n’avait jamais fait face, il luttait avec acharnement. Mais, aussi décidé puisse-t-il être, son souffle se faisait court et ses yeux, injectés de la rage et de l’effort, commençaient à ne plus distinguer les formes à travers l’épaisse toison de neige qui s’acharnait sur la ville.

La poitrine d’Alexandre se serrait alors que sa peau entière sombrait sous la torture des fouets d’Éole. Impossible de faire une pause, l’effort consentis fusse-t-il louable : la rue des Gobelins n’était pas encore en vue.

La force invisible qui courbait le dos d’Alexandre finit par l’emporter sur l’effort du désespéré : à Mouffetard, il s’écroula. Couché, à plat ventre, dans la neige, Alexandre se sentit envahi d’un plaisir coupable : le confort relatif de son berceau jumelé au repos tant mérité lui firent prendre conscience que tout avait été vain. Le métro, s’il le rejoignait, l’emmènerait à une autre station, où il galèrerait toujours plus pour sortir vivant – peut-être – et se réfugier quelques instants dans une pièce froide, aussi chauffée soit-elle. Alors qu’il pesait le pour et le contre, la neige continuait à s’abattre sur son dos. Un centimètre, deux centimètres… puis ce furent 15 centimètres qui s’accumulèrent avant qu’Alexandre ne se décide à pousser son dernier souffle, se disant, au fond de lui-même, qu’au fond, quoi qu’il fasse, le Québec le rattraperait.

dimanche 4 février 2007

Tag

[note à moi même: On m'a demandé de dire 5 vérités sur moi. Puisque j'adore les petites énigmes facilement résolues et que, malgré tout ce que puisse dire, j'adore faire des rimes (même si elles n'ont rien de poétiques) j'ai décidé de sublimer mes pulsions là dessus... Clever, clever, clever...]

1.
Sur les murs blancs
Où poussent les araignées
Résonnent les chuchotements
De ses fragiles pensées

2.
Dans l’antre de la bête
Le sifflement constant
Des machines de son temps
Qui seules, le font renaître

3.
Les touches nacres et charbons
Le nickel fièrement tendu
Se retiennent sans un son
Depuis qu’il n’en joue plus

4.
Dans son univers d’Éveillé
Il n’est qu’un petit garçon
Et tout est comptine, chanson
Et grande timidité

5.
Où qu’il aille, quoi qu’il fasse
En lui ne peut faire taire
Qu’à côté de lui, à cette place,
Un vide le rende doublement solitaire


Tag:
La chaine doit s'arrêter
Devant l'évidence
Qu'il connaisse l'absence
D'une personne à emmerder.

[Cela dit il invite
Qui serait écoeuré
De ces vers sans papiers
et de cette pudeur nuvite
à aller visiter l'autre]

Février stuprò suo 4

Les pensées qui le submergeaient ne lui apportaient jamais le moindre réconfort. Elles l’isolaient plutôt insidieusement, le perdant dans un bois d’où il ne pourrait plus jamais s’échapper. Quoi qu’il puisse parfois courir à en perdre haleine, cherchant tantôt la lumière tantôt les voix, il n’atteignait rarement que l’orée, avant de se perdre à nouveau sur les sentiers sinueux où ses pensées l’entrainaient.

L’espoir de retrouver la sortie de ce sombre labyrinthe, où la cime des arbres si haute soit elle ne l’aidait jamais à s’orienter, s’amenuisait de jours en jours. Et à quoi bon, se disait-il. Certes, il voyait bien les mains tendues, les lampes torches de ces adjuvants qui cherchaient – certains en y mettant bien un peu d’effort – à le guider vers un bois plus clairsemé, mais leurs appels lointains avaient de moins en moins d’attrait. Peut-être serait-il plus simple d’abandonner.

Les glapissements lointains des coyotes (ou était-ce une meute de loup?), entendus quelques temps auparavant lui avait d’abord parus menaçants. L’idée d’affronter seul ces bêtes était, comme le sens commun le voulait, pour le moins terrifiante. Mais très vite, les jours passant, leurs aboiements s’étaient lentement mutés en un indescriptible réconfort, comme si la venue hypothétique de ces chiens sauvages entamerait le voyage de retour vers les heureuses contrées. Hélas, de plus en plus lointains s’étaient faits les échos, à un point tel qu’il avait du se résigner à ne jamais pouvoir entendre les grognements salvateurs des canins affamés.

L’épais feuillage et les branches charnues se refermaient sur lui. Théâtralement, las de courir en vain, las d’espérer l’impossible, il s’était couché nu, replié sur lui-même, à même le sol. Et le temps passait, passait, passait.

dimanche 28 janvier 2007

L'université en 25 temps

Les lueurs bleues et jaunes de phares juraient sur le fond noir. Pareils à des yeux uniques, m’observant sans gène, ces cyclopes inquisiteurs. Mes pas faisaient échos sur la Structure, amplifiés par le treillis argenté pour se perdre dans le noir qui l’entourait. Et cela amplifiait leur faim, ces charognards de l’ombre. La fuite vers le ciel m’était impossible : les étoiles étaient à Terre et m’entouraient. Pourtant, plus je m’avançais sur la Structure, plus elles semblaient le faire avec moi, ne déformant jamais le cercle dont j’étais le point central. Mais elles le feraient, hostiles présences.

La Structure semblait s’étirer à l’infini. Certes, on pouvait y discerner des changements dans les matières qui la composaient, mais elle demeurait froide et pareille à elle-même. Certaines zones semblaient être récentes, peut-être fin 80 début 90, et d’autres dataient carrément des années 50, et toutes reprenaient le même concept : métal de construction percé de trou menant sur le vide noir, ciel ouvert. Et toutes m’étaient éclairées sans amour par les phares des coyotes qui m’entouraient.

Les aveuglants projecteurs s’estompaient parfois, s’affaiblissant à se faire oublier. Moments de solitudes que j’aurais du apprécier, et pourtant… Quand le noir se rapprochait de moi, ces carnivores affamés se mettaient à me parler. Ces voix sinistres et mal intentionnées m’entouraient jusqu’à ce que je me déplace et retourne dans une autre zone de la Structure où les phares se rallumaient. Les voix s’y faisaient généralement discrète, j’arrivais alors à les déceler et ne pas les écouter outre mesure. Ce n’était cependant pas le cas quand les lampes s’éteignaient. Elles se confondaient alors avec la mienne. Tout autour de moi, en moi, elles m’envahissaient de leurs sinistres incantations, et il n’était possible de les arrêter, ces mauvais guides.

Et je retournais dans les autres zones de la Structure, m’y perdait. Mais pas longtemps. La Structure, on en avait vite fait le tour, et c’étais là que les problèmes commençaient.

dimanche 14 janvier 2007

Dieu, quand vous ferez l'inventaire, ne comptez pas ceux-là

[Pour me sauver de Saint-Denys Garneau et puis parce que tant qu'à gaspiller du papier autant gaspiller le temps des autres]

Moi, le corbeau macabrique,
Dépeçant mes chaires de mon bec acéré
Je me demande parfois d’où viennent
Les douleurs qui me mettent en pièce

J’erre dans ces catacombes, seul,
Creusés par les vers et cloportes grouillants
Ceux là même qui minèrent son âme
Et qui me firent pousser des ailes

Je ne peux laisser ce labyrinthe de viscères
au risque de moi-même perdre tout sens
mais d’un autre côté j’ai si faim et j’étouffe
ne me jugez pas, dehors, si je ne suis plus grelot.


[Pour le fun]

Toujours la complainte stomacale perdure,
Comme un écho venu d’une lointaine disette,
Tel un carnivore contraint à la verdure
Qui, pour une feuille morte, fais des risettes [hihi]

Et derrière les murs certains la recrachent,
La chiquent pour en apprécier l’abondance,
Mais dans la rue ici, violemment, se l’arrachent,
Secoués par les spasmes, les décadents.

Parce que la poésie, même si ça sent mauvais, ça reste inoffensif

L’infection qui te dévore et te mange;
Jouissance de mourir, bonheur étrange,


Puis tes humeurs

régissent par de suintantes pustules.

La sèche nécrose te brûler les sens
et abattre tes défenses et ton arrogance
.