lundi 2 avril 2007

L'ombre de Lewis Carroll me hante toujours

La texture humide des pavés ralentissaient mon pas alors que je m’enfonçais dans les petites rues où les volets fermés vomissaient du silence. Dans les parcs, au détour des cours d’écoles et des terrains de foot dansaient au vent les corps des enfants. C’est dans les rues marchandes où les adultes, pendus par les pieds ou simplement le cou, mettaient à l’épreuve les gibets de fortune. Ceux qui s’étaient attachés à un clou étaient déjà tombés comme tombent les prunes mais les chaines et les solides maçonneries résisteraient encore longtemps. Je revois encore les corps disloqués de ces jeunes hommes, fièrement détendus et portés par une bien trop calme valse mise en musique par ce qui rappellerait le chant d’une balançoire.

Je tentai de forcer la porte d’une demeure populaire. On avait verrouillé. Je scénarisais la jeune femme qui, comme si elle quittait Pripiat, verrouillait plus par habitude qu’avec l’espoir de revenir, de retrouver sa vie un peu poussiéreuse mais intacte... En fait un regard par la lucarne mit fin à mes dérives cinématographiques. L’ombre d’un pendu.

La nuit tomba bientôt. Bienheureux que les animaux affamés soient déjà morts, je fermai les yeux et imaginai avec plaisir, accroupis sur le palier du café de la place, tout l’espace de ce monde libre des hommes. Je m’éveillai courbaturé mais heureux. Le soleil ne brillerait dorénavant que pour moi.

Je défonçai la vitrine de la boulangerie avec une vieille pierre. La surprenante sirène de l’alarme déchira le silence auquel je m’étais visiblement bien vite habitué. Le temps d’entrer et de repérer les croissants et chocolatines qu’elle se tût. Rassasié comme jamais, je sortis de la boutique et entrepris une grande marche au soleil.

Je marchai une bonne partie de la journée vers le sud. Je rejoins bientôt la ville voisine, coupant par l’autoroute désertée. Même si les cigales ne chantaient pas je savais que je n’aurais pas à craindre le mauvais temps. Je décidai de rompre le silence en sifflant de bon cœur. Bien vite je me mis à chanter des chants gais qui me rappelaient mon enfance et nourrissaient mon bonheur. Le vent secouait les blés et les corps pendus aux ouvrages d’arts et ponts que je traversais, enthousiaste et rêvant de demain. Je n’ai jamais regretté mon choix.

5 commentaires:

Ion a dit...

...jusqu'au jour où tes mémoires subissent les coups du temps comme la pluie efface la craie de la marelle d'une fillette.
...jusqu'au jour où tes souvenirs d'enfance ne servent plus à rien maintenant que tous ceux qui les habitent ont quitté ton présent.

Ian a dit...

ton nickname m'a trompé ludvic, j'ai lutté contre moi même en me disant "c'est pas mon nick et blablabla" laisse faire c'est long à expliquer.

(tssss, marelle... on emploie pas des mots de même sur mon blog...)

Ion a dit...

T'es confus, Rémy.

Comme tu parles de Lewis Carroll, j'ai trouvé que la marelle n'était pas si loin... sémantiquement. Parce qu'essayer de rappocher ces deux concepts au point de vue politique : ouh la la !

Ian a dit...

Hey, on arrête les gros mots, Marelle et Politique...
Et quoi encore? Cinéma?

Comme dans l'expression « Cinéma de marelle qui fait frette, politique! »...
(ou l'expression « Cinéma de marelle! politique ton camp d'icitte p'tit rêveur! »)


(et on se croit bouscotte soudainement!)

Ion a dit...

T'as oublié les prénoms au-delà du réel... ça sonne pas VLB, ça sonne Raoul Duguay, ou pire...